Experts-comptables : les nouvelles règles de procédure d’appel en matière sociale

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p.leconte1Le décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, publié au Journal officiel le 25 mai 2016, vient modifier significativement la procédure civile devant les cours d’appel. Les experts-comptables, qui accompagnent souvent les entreprises sur les questions de licenciement, vont donc être impactés par ces nouvelles mesures prenant effet au 1er août 2016. Philippe Leconte, Président de Lexavoué, décrypte cette actualité.

 

Avec ce décret, la représentation va devenir obligatoire, par avocat ou défenseur syndical. Qu'est-ce que cela change pour les clients, les avocats, ou les syndicats ?

La représentation obligatoire devant les chambres sociales des cours d’appel a pour conséquence que les employeurs ou les salariés qui souhaiteront faire appel à compter du 1er août 2016 d'une décision rendue par un conseil de prud'hommes ne pourront plus former appel ni se défendre seuls. A compter de cette date, les parties devront nécessairement constituer avocat territorialement compétent ou se faire représenter par un défenseur syndical. Ces défenseurs syndicaux, désignés par l'autorité administrative sur proposition des syndicats les plus représentatifs, seront soumis aux mêmes rigueurs procédurales que celles imposées aux avocats au stade de l'appel.

Quels sont les types de changement introduits par ce décret en matière de constitution d'appel ?

Comme en matière civile depuis le décret "Magendie" du 9 décembre 2009, la déclaration d'appel,  la constitution puis le dépôt des conclusions et l’échange de pièces devront être régularisées, à peine d'irrecevabilité, par voie électronique via le RPVA. (Réseau Privé Virtuel des Avocats). Ces actes de procédure devront  en outre impérativement être réalisés par un avocat du ressort de la Cour d’appel concernée.
Le recours à la voie électronique n'est cependant pas imposé aux défenseurs syndicaux, ces derniers pourront établir les actes de procédure sur support papier et les remettre directement au Greffe de la Cour d'appel. Cette dualité risque de poser, au moins au départ, d’importants problèmes de procédure.

Quels sont les types de changement introduits par ce décret en matière de délais ?

Ce décret change tout car il instaure des délais couperets au-delà desquels l’appel sera caduc ou les conclusions irrecevables.
Pour l’appelant, aux termes de l'article 908 du CPC, celui-ci devra conclure dans les trois mois à compter de la déclaration d'appel à peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office par le conseiller de la mise en état.
L'intimé est pour sa part soumis à deux séries de délais.
Le délai relatif à la constitution d'avocat : En cas de retour au Greffe de la lettre notifiant la déclaration d'appel et l'obligation de constituer avocat, ou lorsque l'intimé n'aura pas constitué avocat dans un délai d'un mois à compter de l'envoi de la lettre de notification, le greffier en avisera l'avocat de l'appelant  afin que celui-ci procède par voie de signification de la déclaration d'appel. A peine de caducité de la déclaration d'appel, cette signification devra intervenir dans le mois de l'avis adressé par le Greffe.
L'intimé devra alors constituer avocat dans un délai de 15 jours à compter de la signification sans quoi l'arrêt sera susceptible d'être rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire (article 902 CPC).
Le délai relatif aux conclusions : aux termes de l'article 909 du CPC, l'intimé disposera , à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de deux mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant pour conclure et former, le cas échéant, appel incident.

Que pensez-vous du fait que la procédure devienne écrite ?

La procédure orale permettait aux justiciables de se défendre seuls sans supporter les frais d'avocat. Toutefois, bien souvent en pratique, des conclusions écrites étaient échangées et rares étaient ceux qui, du fait de la complexité du droit du travail, assuraient leur défense en appel sans l'assistance d'un conseil ou sans déposer de conclusions écrites. La procédure écrite présente des avantages indéniables en améliorant notamment le respect du contradictoire à travers l'échange de conclusions antérieurement à l'audience. Ce qui est souhaité par cette réforme, c’est également une accélération du traitement de ces contentieux en les enserrant dans des délais stricts.

Quelles seront les sanctions possibles en cas de non respect de ces nouvelles règles ?

Deux types de sanctions seront encourues en cas d'irrespect des règles précitées :
La caducité de la déclaration d'appel : cette sanction aura pour effet de conférer un caractère définitif au jugement rendu, en première instance, par le conseil de prud'hommes et empêchera de tout nouveau recours. Cette sanction sera également encourue par l'appelant qui ne signifiera pas la déclaration d'appel en cas de retour au greffe de la lettre de notification ou lorsque l'intimé n'aura pas constitué avocat dans le délai d'un mois. La caducité sera également encourue si l'appelant ne conclut pas dans le délai de 3 mois.
L'irrecevabilité des conclusions : l'intimé qui n'aura pas conclu dans les 2 mois impartis sera réputé ne pas avoir conclu.

Enfin, comment toutes ces réformes vont-elle impacter les experts-comptables ?

Les experts-comptables accompagnent au quotidien les entreprises. Le licenciement est un contentieux récurent qu’ils sont amenés à connaitre. A ce titre, ils ne peuvent pas ignorer cette modification profonde des règles de la représentation car ils vont devoir avoir recours en appel à des avocats qui soient des partenaires et non pas des concurrents compétents sur ces question de procédure qui, si elles sont mal menées, peuvent rendre définitive une décision mal jugée.


Propos receuillis par Delphine Fenasse