Armand Angeli, Président du comité Centres de services partagés & robotisation de la DFCG, expose son regard sur les apports de la RPA et de l’intelligence artificielle à la fonction finance.
Quels sont selon vous les apports de la RPA à la fonction finance ?
Encore faut-il définir la RPA, car il y a une forte confusion en la matière auprès de nos financiers. Elle est parfois survendue par les consultants et les fournisseurs eux-mêmes.
On distingue plusieurs niveaux de RPA ou Robotic Process Automation. Tout d’abord, une RPA simple qui tourne principalement sur des PC et qui requiert une intervention humaine : ce sont des robots assistés. Ensuite, une robotisation plus large et plus robuste de processus complets qui, elle, tourne sur des serveurs, parfois en cloud. L’essentiel de la RPA que l’on voit aujourd’hui n’en est pas vraiment et relève davantage de l’automatisation de tâches simples. Alors que le P de RPA renvoie à Process, on se limite à T comme Tâche…
Or, un directeur financier, qui produit des chiffres, ne peut pas se contenter de travailler avec des robots impliquant une intervention humaine et qui peuvent par définition s’arrêter de fonctionner. En revanche, des outils plus robustes intégrés aux ERP ou des applicatifs informatiques spécialisés, de niche, peuvent donner des résultats fiables, en tout cas cohérents.
Ceci précisé, les robots permettent d’automatiser ce que font normalement les collaborateurs dans les fonctions financières. Et ils effectuent ces tâches beaucoup plus rapidement. Il y a donc un gain de temps et une réduction des risques d’erreurs, la fonction finance devenant ainsi plus productive et efficace. Ces technologies permettent également de résorber des pics de charge. Un autre gain est que les robots gardent en mémoire tout l’historique des tâches qu’ils ont réalisées. Cela permet de conserver une piste d’audit et d’améliorer la compliance.
Mais soyons clair, le robot se limite à singer ce que fait une personne. Il n’est pas intelligent. Il est programmé avec des règles par un être humain.
Tout cela améliore la qualité de vie des collaborateurs. En effet, les robots ne sont pas les ennemis des comptables ou des financiers. Ce sont leurs amis ! Ils suppriment la partie robotisée des actions humaines. Leur mise en place notamment n’apporte pas de réduction des effectifs dans l’entreprise. Les collaborateurs restent mais se livrent à d’autres tâches plus intéressantes comme de l’analyse par exemple.
Et quels sont d’après vous les apports de l’intelligence artificielle ? Car vous faites bien la distinction avec la RPA…
Comme je vous l’ai dit, les robots ne sont pas intelligents. Ils ne font qu’assimiler et traiter des données numérisées et structurées. Mais comme on le sait, la grande majorité des données dans les entreprises, concernant la fonction finance, ne sont pas structurées. Ce peut être par exemple des emails, de la voix, des écrans… Il faut donc adjoindre aux robots des outils permettant de structurer ces informations. Ce sont des procédés assez sophistiqués comme par exemple, du machine learning. On parle alors de robots cognitifs car du machine learning leur a été associé.
Mais voici mon point. Certaines personnes, consultants ou fournisseurs, appellent cela de l’intelligence artificielle. Or ce n’est pas le cas. L’IA, ce n’est pas du tout cela. On peut parler d’intelligence artificielle en présence de machines auto-apprenantes, alors que dans le cas du machine learning, les robots apprennent grâce à l’humain. C’est l’homme qui ajoute de l’intelligence dans ces technologies, si bien qu’il n’y a pas à proprement parler d’IA dans la fonction finance.
La véritable intelligence artificielle est fondée sur du Big Data, des algorithmes mais également sur des probabilités. Or le directeur financier, lui, souhaite des résultats plus robustes, sûrs à 100 %. L’IA pour produire des comptes en fin ou en courant de mois, ce n’est donc pas possible, et d’ailleurs cela n’existe pas.
Je tempère cependant. On peut utiliser des outils proches de l’IA pour effectuer un premier niveau d’analyse de rapports. Les financiers produisent de très nombreux rapports. Certains procédés proches de l’IA vont faire une première analyse de ces documents et il reviendra ensuite au contrôleur de gestion d’affiner le résultat obtenu.
Par ailleurs, sur des tâches bien particulières, comme celle de la synthèse de reporting, on peut avoir recours à l’intelligence artificielle. Des technologies proches de l’IA permettent également d’effectuer du lettrage des encaissements bien souvent complexe ou encore, d’analyser les paiements fournisseurs à venir pour proactivement détecter des doubles paiements ou des tentatives de fraude. Bien entendu, ce n’est pas sûr à 100 % mais cela permet d’accélérer le travail.
Propos recueillis par Hugues Robert