Réapprendre le client à l’ère du numérique

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thierry leprince

Une tribune de Thierry Leprince, Président de Triskelis, spécialisé dans la transition digitale des cabinets d’expertise comptable.

A l’heure où tout se connecte, tout s’échange, tout se transfert, une question reste souvent en suspens dans la relation client-cabinet : connaît-on précisément l’émetteur et le récepteur de la donnée ? Car aujourd’hui, cette donnée, matière de base, doit présenter cinq critères pour parvenir dans les cabinets comptables :

  • rapidité : ce sont des mises à jour fréquentes, des informations en temps réel ;
  • qualité : c’est une information lisible, intégrable dans les outils de production ;
  • exhaustivité : c’est avoir l’ensemble des informations à l’instant t ;
  • réalité : c’est la validation de la donnée, son authentification ;
  • archivage : sauvegarde, accessibilité et protection.

Pour répondre positivement à ces cinq critères et de manière permanente, la connaissance de l’émetteur et du récepteur de la donnée est primordiale, voire obligatoire.

Le client de l’expert-comptable, comme toute entreprise, vit et travaille dans son univers, entouré de nombreux interlocuteurs, en amont comme en aval : c’est ce que l’on appelle son écosystème. Si l’expert-comptable maîtrise parfaitement l’environnement fiscal, social et juridique de son client, maîtrise-t-il tout autant les autres acteurs de son écosystème, c’est-à-dire ceux qui alimentent l’information comptable de manière quotidienne et quantitativement prépondérante ? Rien n’est moins sûr !

Comment dès lors s’assurer que l’information comptable réponde aux cinq critères précédemment évoqués ? En réapprenant le client ! Ce néologisme comporte une double acception. D’une part, il permet une bien meilleure connaissance des flux comptables. Et d’autre part, il provoque l’intérêt du client, ravi de découvrir plus qu’un expert-comptable, un conseil !

Comment faire ?

A la fois simplement mais professionnellement. Ne parlons pas – encore – de demain mais d’aujourd’hui. Cet aujourd’hui qui pèse sur la rentabilité des cabinets, qui charrie freins et lourdeurs, qui paralysent souvent les collaborateurs et clients toujours prompts à invoquer tel ou tel prétexte pour échapper au changement.

Voilà le grand mot lâché : changement ! Donc ne proposons pas ce mot mais plutôt curiosité, intérêt, confort partagé, professionnalisme. Ce professionnalisme dont tous font preuve et depuis longtemps mais qu’il faut améliorer, compléter et entériner au quotidien. Parlons du quotidien, du travail de tous les jours, celui par lequel tout passe.

Les textes en vigueur, en particulier la norme professionnelle 2300, imposent un certain nombre d’investigations avant l’acceptation de la mission. Elles sont à l’évidence indispensables. Le paragraphe 7 de ce texte dispose : « Préalablement à l'acceptation de la mission, l'expert-comptable acquiert une connaissance de l'entité, de son évolution récente, de son secteur d'activité et de son environnement. »

Ce temps consacré en début de mission à la prise de connaissance de l’entreprise est-il suffisant ? Pas toujours et pourtant… Se renseigner sur les « input » et « output » des clients faciliterait grandement la conduite et la fluidité du dossier quand on parle économie numérique. Les émetteurs et récepteurs seraient ainsi référencés, identifiés. Le paramétrage, dès lors effectué, favoriserait une comptabilisation qui deviendrait automatique tant en amont (fournisseurs, achats) qu’en aval (clients, ventes) avec leur contrepartie financière (banque) : ces trois flux comptables de base qui constituent 90 % des écritures à intégrer.

Imaginez ou prenez conscience que ces 90 % vont à terme disparaître des fastidieux travaux de saisie ! Savez-vous que pour un dossier de 2 500 lignes, ce sont deux jours par an consacrés à la saisie, auxquels il faut ajouter le temps de récupération de l’information, soit une journée. Pour un portefeuille de 40 clients, voici la moitié de l’année (40 clients fois trois jours) consacrée à des tâches que les process actuels sont en train de faire disparaître pour certaines catégories de collaborateurs.

Outre l’impact économique, il y aura un impact patrimonial et social de ces nouvelles méthodes. De nombreux cabinets ont commencé à les intégrer. Tant mieux mais a-t-on généralisé, systématisé les nouveaux process et formé clients et collaborateurs ?

Réapprendre le client devient alors un impératif prioritaire. Que soient inclus dans la lettre de mission un questionnaire dédié à l’écosystème du client, que les outils soient correctement et complètement paramétrés avec les informations obtenues (principaux fournisseurs, clients, prestataires…), cette démarche initiale ne peut que faciliter le travail de chacun, libérant du temps pour d’autres tâches. Mais ceci est une autre histoire…

Thierry Leprince, Président de Triskelis