Bruno Le Maire : « Nous vivons un moment de transition économique comme il s'en produit un par siècle »

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Le cabinet de juristes d’affaires ARC a dévoilé mardi 24 octobre, en présence du ministre de l’Economie Bruno Le Maire, les résultats de son baromètre annuel réalisé avec l’IFOP sur la perception qu’ont les entreprises de leur avenir économique au regard notamment du financement et de la gestion de trésorerie.

De manière paradoxale, l’étude pointe un regain d’optimisme des organisations concernant la croissance de leur activité mais conjointement une inquiétude grandissante sur l’avenir au plan macro-économique. Autrement dit, les entreprises ont plutôt confiance en elles-mêmes mais beaucoup moins dans le contexte global, effectivement profondément agité.

Paradoxe : confiance et défiance des entreprises dans la situation économique

Selon l’enquête menée par le cabinet ARC auprès de 501 entreprises de 50 salariés et plus, interrogées en août et septembre 2023, 50 % des dirigeants misent sur le maintien à l’équilibre de leur activité et la part des organisations prévoyant une croissance au cours des six prochains mois (33 %) est en nette augmentation par rapport à l’année précédente (23 %).

Une bonne nouvelle donc. Mais le paradoxe est que l’optimisme conjointement est assez peu ressenti pour l’avenir sur un plan global. Ainsi, 88 % des entreprises interrogées pensent que la situation économique française ne va pas s’améliorer au cours des six prochains mois.

Par ailleurs, si 47 % prévoient une période d’une à deux années pour effacer les effets des différentes crises sur leur santé financière, elles sont une majorité (50 %) à ne pas l’envisager avant trois à cinq ans voire davantage, dans un contexte où le coût de l’énergie (64 %), l’inflation (63 %) et le recrutement (59 %) comptent parmi les principales difficultés qu'elles rencontrent.

Dans le même sens, 68 % des entreprises pensent que la situation économique va entraîner une augmentation du nombre des dépôts de bilan et pour plus de 40 % d’entre elles, les organisations ne seront pas en capacité de faire face au remboursement de leurs créances : PGE, dettes sociales, investissements, factures...

L’étude constate enfin un allongement des retards de paiement qui sont passés en moyenne de douze à près de quinze jours. Un résultat qui vient corroborer une crainte déjà exprimée l’an dernier, à savoir que 83 % des organisations estiment que les délais de paiement risquent de devenir la variable d’ajustement et donc d’augmenter.

« Les entreprises sont bien plus nombreuses à avoir confiance en la capacité de croissance de leur activité et c'est une excellente nouvelle. Mais alors que le financement reste la préoccupation majeure et quotidienne tout particulièrement des TPE-PME, le désengagement des banques et des assureurs-crédit a aussi très nettement été soulevé par les sociétés interrogées » précise le président du cabinet ARC Denis Le Bossé.

« C’est normal qu’il y ait des inquiétudes, nous changeons de monde »

Interrogé sur cette situation paradoxale de confiance et de défiance conjointes des entreprises, le ministre de l’Economie Bruno Le Maire livre son analyse : « Ma première impression est très simple. Les entreprises françaises sont comme les ménages français. Très confiantes pour elles et très défiantes pour la nation française. Je n’ai qu’un seul message à faire passer : faites-vous confiance. C’est comme cela que la nation française ira mieux. Cette défiance collective n’a pas lieu d’être. A partir du moment où il y a une confiance individuelle, au niveau des entreprises comme des ménages, c’est selon moi le meilleur signal que l’économie française résiste dans des temps pourtant difficiles. »

« Nous vivons un moment de transition économique comme il s'en produit un par siècle. Alors c’est normal qu’il y ait des inquiétudes, nous changeons de monde » poursuit-il, soulignant à cet égard un triple mouvement à l’œuvre aujourd’hui : « L’argent était gratuit, il devient cher. Les taux étaient autour de 0 et ils approchent des 4 %. Nous avions par ailleurs des chaînes de valeur réparties partout à travers la planète. Mais depuis la crise du Covid, elles sont en train de se réorganiser totalement. La globalisation ouverte, c’est fini. Enfin, troisième transformation, sans doute la plus importante : la décarbonation, qui oblige les entreprises à revoir les cycles de production, les modes de production, ce qui pose évidemment la question clé du coût de l’énergie. »

Accompagner les entreprises pour davantage de confiance

Mais concrètement, quelles solutions gouvernementales pour répondre aux inquiétudes des dirigeants ? Tout d’abord, « fixer le cap de long terme, qui est d’être la première économie décarbonée en Europe à l’horizon 2040 » selon Bruno Le Maire.

Puis accompagner les entreprises. Notamment sur le serpent de mer des retards de paiement. A cet égard, le ministre s’insurge face au constat de leur allongement : « Cela me révolte. Nous allons mobiliser encore davantage la DGCCRF. »

L’accompagnement des entreprises passe également par une politique économique de l’offre, avec une baisse des impôts de production, et s'envisage aussi à travers un vaste chantier de simplification : « Nous engagerons encore d'autres mesures pour soutenir le monde entrepreneurial. Je pense en particulier à un rendez-vous majeur qui est celui de la simplification. Trop de règles, trop de normes, trop d’obligations empêchent de dégager de la valeur et de la trésorerie. Nous allons simplifier au maximum, avec une approche qui ne viendra pas de Bercy mais qui reprendra vos propositions sur le terrain, sur tous les territoires. »

Enfin, toujours sur le sujet de l’accompagnement des entreprises, mais cette fois pour en souligner les limites, le ministre a rappelé la fin du fameux quoi qu’il en coûte : « Je ne pense pas que les entrepreneurs de France souhaitent le soutien de l’Etat. Ils veulent vivre de leurs résultats, de leurs profits, de leur rentabilité. Dans des situations exceptionnelles, nous prenons des mesures exceptionnelles. Mais je le rappelle, l’exceptionnel n’a pas vocation à durer. Le quoi qu’il en coûte était exceptionnel. Nous en sommes sortis. »