Loi relative à l'Economie Sociale et Solidaire (ESS)

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justiceParue cette été au Journal officiel (1), cette loi, qui définit et organise le secteur de l'économie sociale et solidaire, introduit également de nouvelles dispositions relatives à la transmission d'entreprises aux salariés et au cadre juridique des coopératives. Elle donne une définition légale de la subvention et crée de nouvelles obligations pour les acheteurs publics locaux.

L'Economie sociale et solidaire : de quoi s'agit-il ?

La loi définit l'EsSS comme "un nouveau mode d'entreprendre et de développement économique adapté à tous les domaines de l'activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé" qui en respectent les grands principes :
-poursuivre un but social autre que le seul partage des bénéfices ;
-avoir une activité lucrative encadrée : les bénéfices doivent majoritairement être consacrés au maintien ou au développement de l'activité et les réserves obligatoires constituées ne peuvent être distribuées ;
-avoir une gouvernance démocratique et participative.

Les acteurs de l'ESS

Outre les acteurs traditionnels en raison de leur statut juridique (associations, fondations, unions, coopératives, mutuelles), la loi inclut parmi les structures de l'ESS les sociétés commerciales - sous certaines conditions.
La qualité d'entreprise de l'ESS, acquise lors de son immatriculation au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS), sous réserve de la conformité de ses status, permet de bénéficier de certains droits, notamment aux financements dédiés à l'ESS de BpiFrance.
Par ailleurs, les structures dont l'activité présente un impact social significatif peuvent solliciter l'agrément "entreprise solidaire d'utilité sociale" pour accéder à l'épargne salariale solidaire.
Est institué le Conseil supérieur de l'ESS qui sera consulté sur les politiques publiques reltives à l'entreprenariat social et chargé d'élaborer une déclaration de principes des entreprises de l'ESS permettant aux acteurs de s'engager sur le fonctionnement des structures (conditions de travail, égalité professionnelle homme femme, lutte contre les discriminations). Dans les régions, les chambres régionales de l'ESS auront une mission d'observation et de promotion du secteur, ainsi qu'un rôle dans la formation des dirigeants et salariés.

La révision coopérative

La loi prévoit désormais pour toutes les formes de coopératives dépassant certains seuils (à fixer par décret) la désignation d'un réviseur indépendant. Celui-ci a pour mission de procéder tous les cinq ans, en principe, à un contrôle pour vérifier la conformité de leur organisation et de leur fonctionnement aux principes et aux règles de la coopération et à l'intérêt des adhérents, ainsi qu'aux règles coopératives spécifiques qui leur sont applicables. Un décret fixera les conditions d'agrément et d'indépendance de ces réviseurs.

Les mesures relatives à la transmission d'entreprise aux salariés

Ces mesures visent à remédier aux fermetures de nombreuses entreprises, faute de repreneur, en encourageant leur reprise par leurs salariés.

Instauration d'une information préalable auprès des salariés en cas de projet de cession
Depuis le 1er novemnbre 2014, le chef d'entreprise, qui souhaite céder son fonds de commerce ou la majorité des droits sociaux d'une société, est tenu d'informer les salariés de son intention de vendre l'entreprise au moins deux mois à l'avance. Cette information peut être délivrée par tout moyen restant à préciser par décret.
Cette mesure n'est pas applicable en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant ou en cas de cession d'une entreprise faisant l'objet d'une procédure de conciliation, de sauvegarde ou d'une procédure collective.
Une obligation de discrétion des salariés est instaurée.
En cas d'offre de reprise formulée par un ou des salariés, le chef d'entreprise reste libre de donner une suite favorable ou non à cette proposition.
Dans les entreprises de moins de cinquante salariés, la cession ne peut intervenir, sous peine de nullité, avant l'expiration d'un délai de deux mois sauf si chaque salarié a fait connaître au cédant sa décision de ne pas présenter d'offre d'achat.

Instauration d'une obligation générale d'information des salariés sur la reprise d'entreprise par les salariés eux-mêmes
Il s'agit d'une nouvelle obligation pesant sur les entreprises de moins de 250 salariés. Cette information devra être délivrée au moins une fois tous les trois ans et abordera les conditions juridiques de la reprise d'une entreprise, ses avantages, les difficultés rencontrées ainsi que les dispositifs d'aide existants. Le contenu et les modalité de délivrance de cette information seront précisés par décret.

Obligation de rechercher un repreneur en cas de projet de fermeture d'un établissement rentable
Dans les entreprises de plus de mille salariés, le respect de cette disposition devient une condition de l'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi par l'Administration. La loi permet également à l'autorité administrative de demander le remboursement des aides pécuniaires accordées à une entreprise qui ferme un établissement et procèdde à un licenciement collectif, alors qu'il existait un repreneur.

Les modifications du cadre juridique des coopératives

En cas de transformation d'une société en SCOP (Sociétés COopératives et Participatives), est créé un statut transitoire d'amorçage permettant aux salariés d'être minoritaires au capital, le temps de réunir les fonds pour être majoritaires. L'ensemble des associés non coopérateurs doit s'engager à céder le nombre de titres permettant aux associés coopérateurs d'atteindre le seuil de 50 % au plus tard le 31 décembre de la septième année suivant celle de la transformation en SCOP.
Pendant cette période de sept ans, la nouvelle SCOP pourra utiliser sa réserve statutaire ou la fraction de l'excéednt net de gestion attribuée à l'ensemble des salariés pour acquérir tout ou partie des parts sociales proposées à la vente par un associé non salarié.
La constitution de SCOP sous forme de société par actions simplifiée devient possible ainsi que la création d'un groupement de SCOP.
Les mutuelles pourront s'associer entre elles, quel que soit le code dont elles relèvent. Une nouvelle catégorie d'union mutualiste est créée pour permettre le regroupement des mutuelles de santé, de mutuelles ayant des activités sanitaires, sociales et culturelles et de tout autre structure de l'économie sociale et solidaire.

Définition de la subvention

La loi définit la subvention afin d'éviter qu'elles ne soient attaquables juridiquement en matière de marchés publics. Constituent des subventions les contributions facultatives de toute nature (financement, matérielle ou en personnel) allouées par les autorités administratives et les organismes chargés de la gestion d'un service public industriel et commercial, justifiées par un intérêt général et destinées à la réalisation d'une action ou d'un projet d'investissement, à la contribution au développement d'activités ou au financement global de l'activité de l'organisme de droit privé bénéficiaire. Ces contributions ne peuvent constituer la rémunération de prestations individualisées répondant aux besoins des autorités ou organismes qui les accordent.

Commande publique

Enfin, les acheteurs publics locaux (collectivités locales et leurs établissements publics) seront désormais tenus d'élaborer et de publier un "schéman de promotion des achats publics socialement responasbles", dès lors que le montant total annuel des achats est supérieur à un montant fixé par décret. Ce schéma doit fixer des objectifs de passation de marchés comportant des clauses sociales. Ces objectifs devront faire l'objet d'un suivi annuel.

 

Jean-Luc Scemama
Président de la commission du Secteur non-marchand et Secteur public et du Comité transmission

Lysiane Yvon
Directeur des Missions juridiques

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(1) Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, Journal officiel du 1er août 2014, p. 12666

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