Philippe Arraou : "Le numérique permet à l'expert-comptable de libérer du temps pour se consacrer au conseil et à l’accompagnement complet des entreprises."

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philippe-arraouLe Président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables présente le programme de sa mandature et livre sa vision de l'avenir de la profession.

Comment avez-vous accueilli votre élection à la présidence du Conseil Supérieur de l’Ordre des experts-Comptables ?

Avec beaucoup d’émotion, bien sûr, mais surtout avec un sens aigu des responsabilités et une volonté féroce d’agir. Notre profession a entamé en 2009 une mue inédite, notamment sous l’effet de l’européanisation de l’exercice et des marchés de l’expertise comptable. Elle est aujourd’hui à la croisée des chemins. A ce titre, mon expérience de l’Europe peut être utile à la profession, et je suis très heureux de pouvoir apporter cette touche internationale à la fonction de président de notre institution.

Pouvez-vous nous décrire en quelques mots votre parcours ?

Une fois mon diplôme obtenu en 1986, j’ai la particularité d’avoir créé mon cabinet d’expertise comptable et de commissariat aux comptes, d’abord à Barcelone, en Espagne, avant d’en créer un autre à Pau. Je suis ainsi un des rares professionnels libéraux français à exercer simultanément dans deux pays depuis bientôt 30 ans.
J’ai poursuivi cet engagement international en créant, en 1989, un groupement européen de cabinets d’experts-comptables et d’avocats, Auditeurs Consultants et Experts Européens (ACEE). Puis j’ai cofondé, en 1996, la Fédération européenne des experts-comptables et commissaires aux comptes de PME (EFAA) que j’ai présidée durant quatre années.
J’ai logiquement dirigé l’action internationale du syndicat Experts-comptables et Commissaires aux comptes de France (ECF), dans lequel je me suis engagé dès 1989 et dont je suis devenu vice-président en 1999, avant d’en assumer la présidence de 2008 à 2011.
C’est sous ma présidence, en 2009, qu’ECF deviendra pour la première fois majoritaire au Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts-Comptables. J’y présiderais alors la commission des relations internationales et représenterais la profession française dans plusieurs organisations professionnelles internationales, avant d’en devenir Vice-président en 2013.
Je suis également très fier d’avoir été, en 2012, Rapporteur général du 67ème Congrès de l’Ordre dont le thème ("L’expert-comptable entrepreneur") et les travaux auront marqué les esprits en ouvrant une voie nouvelle, notamment en matière de marketing des cabinets.

Vos engagements internationaux augurent-ils d'une accentuation de l'action internationale du CSOEC ?

La profession ne peut échapper au processus d’intégration européen. Je serai donc actif pour porter des projets de dimension européenne, mais aussi mondiale. Par ailleurs je veillerai à donner une dimension internationale à nos évènements, et notamment à notre congrès, l’évènement phare de l’année, qui mérite une audience au moins au niveau européen. Mais je ne souhaite pas que l’on réduise mes priorités pour la profession à la seule action européenne et internationale qui peut sembler un peu éloignée du quotidien des cabinets.

Alors, quelles sont justement les priorités de votre mandature ?

Après l’autorisation du démarchage dans la profession et dans le prolongement du Congrès de 2012, je fais du développement du marketing des cabinets un axe majeur de mon action. Il est en effet de la responsabilité de l’Ordre de faire en sorte que le développement de la communication dans notre profession se fasse de façon homogène sur le territoire et dans des conditions compatibles avec nos règles déontologiques.
Je rappelle d’ailleurs que les actions de promotion ont pour objet de procurer au public une information utile, et doivent être mises en œuvre avec discrétion de façon à ne pas porter atteinte ni à l’indépendance, à la dignité et à l’honneur des membres de la profession, ni à la loyauté envers les clients et les autres membres de la profession, ni aux règles du secret professionnel. Entre le développement d’une communication dynamique et un démarchage outrancier il y a un fossé que nous ne franchirons pas !
Je souhaite également engager davantage notre profession vers le secteur public, soumis à des pressions de plus en plus fortes de restrictions budgétaires. Il s’agit donc autant d’opportunités nouvelles pour la profession que pour les collectivités publiques qui doivent faire mieux avec moins.
Les missions que sont capables d’assumer les experts-comptables sont très nombreuses, et notamment bien sûr, toute la palette des missions liées à notre prérogative d’exercice en matière comptable. Mais les experts-comptables peuvent également intervenir sur tout sujet concernant les matières économique, financière et de gestion. Je pense, par exemple, à des missions de diagnostic financier ou d’audit de productivité, d’élaboration de plan pluriannuel d’investissement, de gestion de trésorerie et de suivi des flux financiers, d’assistance au processus budgétaire et de mise en place d’outils de gestion, de mise en place des procédures d’attribution, de contrôle et de suivi des subventions versées, etc.
Et last but not least, si la profession veut conserver le rôle incontournable qu’elle assure auprès des entreprises, elle se doit de suivre l’évolution de notre société et de saisir les opportunités qu’apporte le numérique.

Justement, le prochain Congrès de l’Ordre des experts-comptables portera sur "L’expert-comptable numérique". Pensez-vous que la profession se soit pleinement approprié ces nouvelles pratiques ?

Le numérique est assurément une révolution qui témoigne d’un changement de société. Les experts-comptables sont directement concernés, dans leurs missions déclaratives comme dans l’organisation de leur relation avec les entreprises. De teneurs de livres, les experts-comptables sont devenus des agrégateurs d’informations qui gèrent des flux et non du papier. Cette évolution est fantastique car elle permet d’automatiser certaines tâches et donc de libérer du temps pour permettre à l’expert-comptable de se consacrer à ce qui est devenu son cœur de métier : le conseil et l’accompagnement complet des entreprises.
Par ailleurs, l’émergence du travail en réseau, mais aussi les enjeux posés par notre vocation de tiers de confiance, en d’autres termes, "d’agent de sécurité" de l’information comptable, fiscale, sociale et financière, comme les enjeux posés par notre "marque" d’expert-comptable se retrouvent dans les défis posés par la révolution numérique.
Il est vital pour l’avenir de notre profession que tous ces défis soient bien appréhendés afin d’engager chacun sur la voie d’une modernisation qui aura pour finalité première d’être utile aux entreprises. C’est précisément l’objet de notre prochain Congrès.
 

Propos recueillis par Pascale Breton

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