La réforme du licenciement économique va-t-elle réellement favoriser l’embauche ?

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angeline-duffour2Les éclairages de Angéline Duffour, avocate associée au cabinet Cohen & Gresser, qui conseille une large clientèle française et internationale dans tous les aspects de la vie de l’entreprise.

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Une réforme du licenciement économique est-elle pertinente ? Envisageable ? 

La loi de sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013 avait déjà profondément réformé la procédure de licenciement économique en renforçant le rôle de la négociation collective et en transférant le contrôle de la régularité de la procédure et du contenu du PSE à l’autorité administrative.
Aujourd’hui, l’avant-projet de loi El Khomri revient sur le fond du licenciement économique en redéfinissant en partie le motif économique. Ainsi, les « difficultés économiques » à l’origine du licenciement seraient caractérisées en cas de :
- baisse des commandes ou du chiffre d’affaires pendant plusieurs semestres consécutifs en comparaison avec la même période de l’année précédente,
- pertes d’exploitation pendant plusieurs mois ou une importante dégradation de la trésorerie,
- ou tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
 
La durée de la baisse de commandes ou de chiffres d’affaires ou des pertes d’exploitation serait définie par voie d’accord collectif avec un plancher de 2 trimestres consécutifs pour la baisse des commandes ou du chiffre d’affaires et de 1 trimestre pour les pertes d’exploitation. A défaut d’accord collectif, les durées précitées seraient respectivement de 4 trimestres consécutifs et de 1 semestre.
 
Baser le motif économique sur des données comptables  limite le pouvoir d'appréciation des juges et par voie de conséquence l'aléa judicaire, ce qui est de nature à donner la prévisibilité attendue aux entreprises. Néanmoins, le risque de cette définition restrictive est de réduire les cas où les licenciements économiques sont autorisés, ce qui n’est pas souhaitable dans un contexte économique incertain.  Le texte prévoit de limiter le cadre d’appréciation de ces difficultés économiques aux seules entreprises implantées sur le territoire national, quand bien même elles appartiennent à un groupe, ce qui constituerait une nouveauté majeure.
 
Le texte prévoit par ailleurs de codifier les motifs tirés de la « nécessité de sauvegarder la compétitivité de l’entreprise » et de la « cessation d’activité de l’entreprise » jusqu’alors créés et développés par la jurisprudence, ce qui  n’aura cependant pas pour effet d’éviter tout débat judiciaire sur la notion.
 
Enfin, les dommages-intérêts pouvant notamment être accordés à un salarié en cas de litige seraient profondément réduits. Un barème serait fixé pour les indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En outre, le montant minimum de l’indemnité versée au salarié en cas de nullité du licenciement passerait de 12 à 6 mois et ne s’appliquerait qu’aux salariés comptant au moins 2 ans d’ancienneté.

Par quelle voie peut-elle intervenir ?

De nombreux députés de gauche s’étant montrés hostiles au projet de loi, qui fait d’ores et déjà l’objet de débats houleux, Myriam El Khomri a déjà laissé entendre que le Gouvernement pourrait avoir recours à l’article 49-3 en cas de blocage. Reste que de nombreux ministres semblent y être également opposés.

Que va concrètement changer la réforme du licenciement économique au niveau de l’embauche ? Quid de la création de l’emploi ?

Ces mesures ne sont pas le remède miracle pour lever les freins l’embauche notamment dans les PME. D’aucuns diront en outre qu’il s’agit d’une réforme visant à favoriser les grands groupes du fait de la réduction du cadre d’appréciation des difficultés économiques. Néanmoins, ce texte, s’il est adopté en l’état, a le mérite de donner plus de visibilité aux entreprises, ce qui fait défaut en l’état actuel des choses.

Quid de nos voisins Européens ?

Ce projet de réforme est directement inspiré de la réforme intervenue en Espagne en 2012. Cette réforme en Espagne aurait entraîné une vague d’embauches sous CDI dès 2013.

Propos recueillis par Delphine Fenasse

 

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