Julien Tokarz (ECF) : "La gestion de patrimoine a toujours été au cœur de notre métier"

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julien-tokarzRencontre avec Julien Tokarz, associé du cabinet Emargence, président de Experts-comptables et commissaires aux comptes de France (ECF), dont le Congrès centré sur "la gestion de patrimoine" débute aujourd'hui.

Votre congrès national qui se déroule à Marseille aujourd'hui et demain a pour thème de "la gestion de patrimoine". Vous êtes un peu loin de vos thématiques habituelles, non ?

Non, pas du tout. La gestion de patrimoine a toujours été au cœur de notre métier. Mon associé, Serge Anouchian, est d'ailleurs lui-même diplômé en gestion de patrimoine à l'Université de Clermont-Ferrand. Mais ce n'est pas le courtage qui nous intéresse comme les conseils en gestion de patrimoine, c'est l'ingénierie patrimoniale qui sera le cœur de nos débats et ateliers. D'ailleurs, avec Serge et Laurent Benoudiz, nous avons fondé en 2007 le "Club Expert Patrimoine", le CER qui au sein de notre profession d'expert comptable assure des formations en gestion de patrimoine.

Mais vous êtes un peu loin de vos bases, la tenue des comptes !

Nos clients sont des chefs d'entreprise et tous les jours ceux-ci sont confrontés à des problématiques d'optimisation et de choix, qui relèvent de l'ingénierie patrimoniale.
Par exemple, ils peuvent nous consulter sur la constitution d'une holding et des risques vis-à-vis de l'administration fiscale sur la qualification d'animatrice, de l'intérêt du démembrement pour l'immobilier d'entreprise, de l'optimisation de la trésorerie de la société, etc.

Ce qui vous amène aussi sur le terrain des avocats et des notaires, donc de la consultation juridique !

Nous avons tout à fait le droit d'intervenir sur ce terrain, à titre accessoire. Mais je dirais que, d'une façon générale, c'est le marché qui décide, c'est le client qui choisit.
Nous avons les compétences comptables, financières et donc naturellement les chefs d'entreprise ont besoin de notre avis lorsqu'ils font des opérations patrimoniales.
Et vous remarquerez que nous associons à notre congrès - mais aussi tous les jours sur nos dossiers - des notaires et des avocats.

Stratégies de transmission de patrimoine, savoir-faire sur le bilan patrimonial, pacte Dutreil, etc. Vos 13 ateliers sont impressionnants de technicité, et aussi du fait de la qualité des intervenants ! Vous avez de nouvelles ambitions ?

Laurent Benoudiz, président d'ECF Ilede-France, et Maud Saccucci, présidente d'ECF Rhône-Alpes, sont les deux rapporteurs de notre congrès. Ces deux experts très reconnus vous le diront, ce sont là les questions que nous posent constamment nos clients. Notre mission permanente créée une réelle proximité avec nos clients, c'est tout naturellement qu'ils viennent vers nous lorsqu'une problématique patrimoniale intervient. Nous sommes les prescripteurs naturels de solutions d'ingénierie patrimoniale.

L'interprofessionnalité est dans les tuyaux, vous en pensez quoi ?

On attend les décrets d'application de la loi Macron. Ils devraient sortir courant 2017. Mais clairement cette évolution très importante sera très bénéfique pour nos professions et nos clients. Le client réclame cette évolution, il a besoin de professionnels qui travaillent ensemble pour une solution globale à son problème.
Quand on est sur une opération de rachat d'entreprise, la multitude de professionnels travaillant dans des cabinets distincts complique la tâche en terme de transmission d'information, de communication...
Avec cette évolution législative, tous les aspects d'un dossier pourront être traités de manière plus cohérente et efficace.
L'interprofessionnalité est une évolution très naturelle. Les grands cabinets l'avaient déjà mis en œuvre par des montages complexes, désormais l'ensemble des professionnels pourra se l'approprier, on sera tous sur un pied d'égalité.

Vous ne voyez pas de problème de conflit d'intérêts ?

Aucunement, parce qu'on est sur le terrain du conseil. Regardez, l'interprofessionnalité existe depuis longtemps chez les Anglo-saxons, et il n'existe aucun problème, au contraire ils sont beaucoup plus efficaces. Donc, nous nous félicitons  de cette avancée de la loi, c'est l'avenir de nos professions qui se joue et qui va nous conduire à redoubler d'efforts dans notre travail de conseil. C'est l'enjeu de notre congrès de Marseille. Notre syndicat a toujours tenu ce rôle d'évangélisateur de notre profession pour qu'elle appréhende pleinement ces sujets de la gestion de patrimoine.
Nous sommes déjà le conseiller de l'entreprise et avec la gestion de patrimoine nous devenons celui du dirigeant, on peut dire que la boucle est bouclée.

Il peut sembler paradoxal que des notaires et experts-comptables soient capitalistiquement liés, et que cela ne soit pas possible avec des CGP !

La loi est comme cela I Je crois que le gouvernement ne voulait permettre que des rapprochements entre professionnels régulés.
Cela dit, un cabinet d'experts-comptables peut très bien s'associer au sein d'une filiale à un non membre de l'ordre, donc à d'autres professionnels. Un tel schéma est déjà assez
courant. Et nos clients apprécient notre travail en gestion de patrimoine parce qu'ils savent qu'on est indépendant, notre force est là : nous ne vendons pas de produits, seulement du conseil. 

Le gouvernement vient de publier une ordonnance qui réforme le statut des commissaires aux comptes. A quoi joue-t-il ? Pourquoi une telle mise sous tutelle ?

Les pouvoirs publics veulent tout simplement que le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) prenne complètement la main au détriment de notre
conseil national. Certes, on a une autorité de contrôle et de régulation qui est la même partout en Europe mais en France on a sur-interprété la responsabilité finale qui revient à cette autorité et d'une cogestion entre le H3C et la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC), on bascule vers le "tout pouvoir" du H3C.
Une fois encore nos hauts fonctionnaires ont gagné. C'est clairement une mise sous tutelle totale de notre profession de commissaire aux comptes.

Mais comment comprendre cette évolution ? Il n'y a pas eu en France de scandale justifiant une telle mainmise sur votre profession ?

Je suis bien d'accord, il n'y a pas eu d'Enron en France. Nous ne comprenons pas cette remise en cause et encore moins l'absence totale de concertation. Pourquoi nos hauts fonctionnaires cherchent-ils à tout maîtriser ? C'est un suicide pour notre économie. L'esprit de la réforme, initialement, c'était de favoriser l'essor de petits et moyens cabinets et au final on va aboutir à l'inverse, à une hyper concentration compte tenu des nouveaux risques disciplinaires et de la lourdeur des règles dites prudentielles

Mais cette réforme est limitée aux seuls cabinets EIP ?1

JT : C'est une manœuvre politicienne. Rien n'obligeait la France à aller aussi loin dans l'encadrement du marché de l'audit par l'Etat. La réalité c'est une supervision totale du H3C, des sanctions financières démesurées, une défiance à l'égard des cabinets.
Nous assistons à une nationalisation de fait du commissariat aux comptes. On paralyse l'économie française avec une obsession, le "zéro fraude". Or le risque est inhérent au développement économique, ne pas l'accepter, revient à tuer la créativité, l'initiative, bref l'entrepreneuriat et la croissance.

Propos recueillis par Jean-Denis Errard

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NOTE

(1) Cabinets qui ont des mandats d'"Entités d'Intérêt Public" (article R.821-26 du code de commerce), par exemple dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, ou des établissements de crédit, des entreprises régies par le Code des assurances, des institutions de prévoyance, des mutuelles.

 

Les 13 ateliers de gestion de patrimoine

 

1. Holding : les nouveaux risques
Remise en cause des « managements fees », ISF, pacte Dutreil, qualification d'holding animatrice : comment éviter les pièges ? Comment sécuriser nos clients ?
2. Le retour du report d'imposition en cas d'apport de titres : quels impacts patrimoniaux ?
3. Faire face au passif social : quelles solutions ? 
Indemnités de fin de carrière, de licenciements : s'assurer, externaliser le passif social ? Quels intérêts fiscal et patrimonial ?
4. L'immobilier d'entreprise : le démembrement est-il toujours une stratégie pertinente ? 
Inscription à l'actif, détention au travers d une SCI, option IS ou démembrement des parts sociales ? Quelles stratégies en termes de sécurité et d'optimisation patrimoniale ?
5. Stratégies de rémunération du dirigeant : comment produire une mission gagnante et sécurisée ? 
Rémunération directe et indirecte, stratégie d'holding personnelle, pérennité des régimes de retraite, remise en question du RSI.
6. Stratégies de fin de carrière pour le dirigeant en 2016 
Intérêt du rachat de trimestres, cumul emploi retraite, départs anticipés (et non pas retraite progressive) : une mission sociale et patrimoniale.
7. Comment optimiser la trésorerie d'une entreprise ?
Que l'entreprise conserve sa trésorerie ou qu'elle décide de la distribuer, quelles stratégies suivre ? Comment utiliser sans risques l'article 88 de la LFR 2014 qui impose désormais les rachats de ses propres titres par une société au régime des plus-values mobilières ?
8. La transmission familiale d'une entreprise : du bon usage du pacte Dutreil et du paiement différé et fractionné
9. Du déclaratif IR/ISF au bilan patrimonial : quelles méthodes pour développer son savoir-faire et le faire savoir ? 
Quelle démarche d'accompagnement patrimonial du chef d'entreprise : bilan retraite, bilan prévoyance, bilan patrimonial, etc.
10. La transmission du patrimoine : quelles stratégies ?
11. Evaluation d'entreprise : les 7 erreurs de l'administration !
12. Loueurs en meublé : optimisation des LMP et LMNP
13. Quelle stratégie de placement pour concilier rendement et sécurité ?
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