Marc Luccioni : "La DSN est une vraie simplification, au bénéfice de l’évolution de notre mission sociale."

Interviews
Outils
TAILLE DU TEXTE

marc-luccioni2Cinq questions à Marc Luccioni, expert-comptable et commissaire aux comptes, président du Comité des utilisateurs du GIP - Modernisation des déclarations sociales.

Où en est-on du déploiement de la DSN ?

Fondée sur le principe de progressivité, la mise en oeuvre de la DSN a connu en 2015 un élargissement de son socle fonctionnel en même temps qu’une augmentation notable de la volumétrie d’entreprises adhérentes au dispositif. En effet, 520 000 entreprises, soit la moitié des établissements et 75 % des salariés du privé, sont entrés dans le système.
Cette progressivité de la DSN a été compliquée à mettre en place dans les déclarations transmises par les experts-comptables. La phase 1 présentait peu de valeur ajoutée et les éditeurs ont proposé des produits adaptés seulement à partir de mi-2015, soit en « phase 2 », c’est-à-dire comprenant le remplacement des Ducs Urssaf. C’est d’ailleurs une demande que j’ai soutenue largement : que la DSN vienne au plus vite remplacer la Ducs afin que la charge de travail liée à la mise en oeuvre de la DSN soit limitée pour la profession.
Disposant d’un produit compatible, les experts-comptables sont rapidement entrés en DSN.
De quelques centaines de cabinets au mois de juillet 2015, nous sommes passés à plus de 2 000 cabinets dès réception de la paie d’octobre et à plus de 5 000 dès celle de janvier 2016. Une grande majorité de la clientèle des experts-comptables est composée d’entreprises à rythme trimestriel ; il est donc logique que la montée en charge s’opère sur les paies de début de trimestre. Aujourd’hui, les cabinets en production représentent 57 % des entreprises qui sont entrées en DSN et les experts-comptables ont donc été au rendez-vous.

Quel premier bilan peut-on tirer du déploiement de la DSN ?

La DSN est incontournable. Portant près de 60 % du recouvrement Urssaf, elle a prouvé sa capacité à :

  • répondre aux attentes de remplacement de procédures majeures, comme celle sur les indemnités journalières où un raccourcissement des délais de paiement est noté ;
  • collecter des éléments des entreprises intérimaires dont la qualité de données est désormais supérieure à ce qu’elle était dans le système précédent.

La DSN améliore indéniablement la qualité et la sécurisation des données. Basée sur un travail de normalisation important, elle demande une précision dans les définitions et paramétrages. Ces derniers exigent un réglage en amont contraignant pour nos équipes, mais une fois opéré, les données transmises feront l’objet d’une plus grande précision. La DSN conduit ainsi à sécuriser les déclarations mais aussi la paie. Les experts- comptables sont particulièrement sensibles à cet argument ; c’est même le coeur de notre métier. Un bilan d’ensemble sur l’usage de la DSN au sein des cabinets est en cours ; il n’est pas finalisé mais les premiers éléments collectés montrent plusieurs signes positifs :

  • les paramétrages des dossiers sont supportés par des produits de paie performants ;
  • l’opération de paramétrage initial permet, au sein du cabinet, de mieux harmoniser les pratiques des collaborateurs ;
  • les relations avec les clients ne sont pas bouleversées même si cela implique d’imposer une plus grande rigueur dans la communication des éléments nécessaires à la réalisation de l’acte de paie ;
  • un gain de temps permettant de développer le conseil dans le cadre de la mission sociale. Le soutien à la performance de nos clients passe par la mise en oeuvre de ce type de missions ;
  • les échanges mis en place entre le portail de la profession et net-entreprises sont fluides grâce aux efforts conjugués des équipes dont je tiens à saluer la qualité des travaux.

Un bémol demeure sur l’appréciation du point de départ du délai de transmission des signalements d’événements. L’expert-comptable « ne peut traiter que ce qu’il connaît » : si le client transmet tardivement les informations, le délai ne peut être mesuré en partant de la date de survenance de l’évènement. Dans les faits, il n’y a cependant pas eu d’alerte majeure sur ce point qui a été abordé avec pragmatisme par la plupart des cabinets, qui ont proposé à leurs clients des systèmes de saisie à distance, participant ainsi à la croissance de la numérisation des actes de gestion.
A ce stade, le bilan est donc positif même si toutes les promesses ne sont pas encore tenues.

Quels conseils pouvez-vous donner aux experts-comptables ?

Pour être de véritables acteurs de la phase pilote dite « phase 3 », nous devons nous mobiliser dès maintenant. Cette phase va permettre de vérifier, de bout en bout, que les organismes de retraite, de santé/prévoyance et les administrations nouvellement utilisatrices de la DSN soient également au rendez- vous. Cela ne vaudra que si les organismes complémentaires ont transmis leurs fiches de paramétrage.
La phase 3 va constituer un virage majeur vers la simplification portée par la DSN et nous avons dès aujourd’hui un rôle capital à jouer. La phase pilote permettra de résoudre l’ensemble des risques que l’extension de périmètre implique. La profession doit se mobiliser dès le mois d’octobre, mois propice à ce genre d’action pour les cabinets. Dès cette échéance, les cabinets pourront entrer en phase 3 et dématérialiser la DUCS retraite et des organismes complémentaires. Il sera également possible de sécuriser la DADS-U 2016 puisque la qualité mensuelle en phase 3 aura été rôdée trois mois avant le début de l’exercice de remplacement de la DADS-U.

Quelle est la date idéale pour se lancer ?

Les termes du décret du 18 mai 2016 posent une nouvelle obligation : les cabinets de plus de 10 M e de cotisations sur l’ensemble de leur portefeuille doivent désormais démarrer à compter des paies de juillet 2016. La profession doit prendre cette obligation comme le signe de l’anticipation indispensable pour que tout soit achevé sereinement en janvier 2017, et cela pour le bénéfice de tous.

Le calendrier idéal du cabinet pour l’année 2016 est ainsi tracé :

  • si le cabinet a déjà démarré et qu’il est au-dessus du seuil, il doit dès maintenant préparer l’extension du paramétrage DSN de tous ses clients pour l’échéance de la paie de juillet 2016 ;
  • s’il a déjà démarré sur l’ensemble de son portefeuille, il serait pertinent qu’il soit pilote de la phase 3 pour permettre à tous de bénéficier de son expérience et de ses actions sur cette préparation ;
  • s’il n’a pas encore démarré et que son total de cotisations dépasse le seuil d’obligation en juillet, il doit engager dès maintenant son démarrage en phase 2 sur la paie de juillet ;
  • s’il n’a pas encore démarré et n’est pas concerné par cette obligation, il doit aussi s’intéresser à la phase pilote dite « phase 3 » et prévoir son démarrage au plus tard sur la paie d’octobre.

Quelles sont les opérations incontournables à effectuer avant de se lancer ?

Pour préparer le démarrage, certains conseils sont de mise :

  • contacter son éditeur pour vérifier le calendrier de mise à disposition d’un logiciel de paie adapté à la DSN en phase 2 et phase 3 ;
  • vérifier la qualité des données à transmettre par la DSN : Siret, NIR salariés, données des contrats de travail, données de cotisations, et données de gestion des contrats complémentaires ;
  • partager avec ses clients sur la généralisation en marche ;
  • paramétrer quelques dossiers dans la phase 2 ou 3 selon le cas ;
  • tester la DSN sur ces dossiers.

Jusqu’à présent, la mise en place n’a pas présenté de difficulté majeure ; si les actions sont structurées et faites dans l’ordre, ce sera aussi le cas dans les étapes à venir.
Je souhaite une nouvelle fois le rappeler : la DSN est une vraie simplification, au bénéfice de l’évolution de notre mission sociale. Mobilisons nous pour la porter puisque nous assurons environ 2/3 des paies en France ; nous augmenterons ainsi la visibilité de notre profession !

Les Annuaires du Monde du Chiffre