Edouard de Penguilly : "Je voudrais que dans le réseau des experts-comptables se diffuse l’idée que le réseau Initiative Île-de-France est une aide au développement de leur business."

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edouard-de-penguillyInterview de Edouard de Penguilly, président du réseau Initiative Ile-de-France.

Monsieur de Penguilly, vous êtes actuellement le président du réseau Initiative Île-de-France, mais pas seulement. Vous avez plusieurs casquettes. Présentez-nous votre parcours et ce qui vous a amené à cette fonction.

À l’origine je me destinais à une carrière dans l’enseignement supérieur, dans le domaine économique. J’étais spécialiste du développement économique régional. Mais au moment où les régions se sont créées, le ministre de l’aménagement du territoire du gouvernement Pompidou, m’a convoqué en tant que spécialiste de l’économie régionale. Il m’a offert un poste au Ministère en tant que conseiller technique pour le développement de la problématique d’économie régionale. J’ai donc laissé l’enseignement de côté.
Par la suite j’ai travaillé dans des grands groupes industriels, où j’ai eu l’occasion de gérer autant la partie promotion immobilière, la diversification des marchés que le suivi des investissements à l’étranger. Cependant, le manque de concurrence de ces secteurs et le peu de liberté que m’accordaient ces employeurs ont fini par me pousser à partir. Et ce fut une bonne chose, car c’est grâce aux indemnités de mon départ que j’ai pu créer ma première entreprise. 

Votre première entreprise était une reprise, c’est ça ?

Oui, je n’ai pas eu d’emprunt à faire, ni besoin d’une aide comme celle d’Initiative Île-de-France. J’ai racheté une filiale de promotion immobilière d’un groupe qui avait déjà une activité. Nous avons connu une belle progression avec cette entreprise : il y avait une quinzaine de salariés à l’époque et on a atteint les 100 salariés en 1992.

Malheureusement, avec la crise de 92, cette aventure n’a pas duré. J’ai perdu 80 millions de francs, ce qui était une somme considérable !
Comment vous êtes-vous sorti de cette situation ?
J’ai comblé mes pertes en France en vendant ma société aux États-Unis. Puis j’ai recréé une entreprise sur un schéma un peu différent, à la tête de laquelle je suis toujours aujourd’hui : LBCF. 

Comment ça, "un schéma différent" ? 

En 93, je me suis dit que je ne voulais surtout pas revivre cette situation à l’avenir. J’ai donc créé cette nouvelle entreprise sur un axe stratégique «anti-crise», en me spécialisant sur la promotion immobilière en Île-de-France. Je partais du principe que le marché était porteur dans cette région. Au-delà du marché, j’ai voulu constituer mon entreprise sur une taille que je pouvais externaliser au maximum. Par exemple, dans mon entreprise aujourd’hui, il n’y a pas de service comptable, j’ai un cabinet d’expertise comptable, auprès de qui j’externalise toute ma comptabilité.

C’est-à-dire externalisée de A à Z ?

Oui, de A à Z. Tous les mois, il y a 3 personnes du cabinet qui viennent chez moi et qui font la comptabilité.

En tant que dirigeant, qu’attendez-vous de votre cabinet d’expertise comptable ?

Tout d’abord, je suis très exigeant au niveau des connaissances. Le secteur de la promotion immobilière a une comptabilité très spécifique, un peu comme la comptabilité dans le milieu du cinéma. Il faut donc des compétences mises à jour en permanence tant sur ce point que sur la fiscalité immobilière, elle aussi très particulière. Pour moi, une des grandes forces de l’externalisation de ma démarche comptable, c’est d’être sûr d’avoir un professionnel qui a le niveau pour être toujours au fait des évolutions. J’attends aussi d’avoir quelqu’un qui m’apporte tous les conseils adéquats pour être plus efficace dans ma gestion au quotidien, plus réactif et surtout d’avoir le maximum de lecture en temps réel. Quand j’envisage de faire un choix stratégique, je consulte mon expert-comptable pour lui demander ce qu’il en pense, si c’est une bonne ou une mauvaise idée.

Comment vous êtes-vous rapproché du réseau Initiative Île-de-France ?

En fait, par mon métier, j’ai toujours été en lien avec l’ensemble des plateformes de développement économique et urbain d’Île-de-France. Puis un jour, mes contacts au sein de ces plateformes m’ont informé que le réseau Initiative Île-de-France recherchait un nouveau président pour le territoire de Plaine Commune. Ils m’ont même poussé à m’y engager. J’ai donc rapidement pris la responsabilité des neuf communes qui la composent.
Avec le temps, c’est devenu très gros : on est sur une gestion d'une centaine de bénévoles, pour 400 entreprises créées, et 160 emplois… une grosse boutique !
Puis, il y a 9 ans, je suis devenu président d’Île-de-France.

Quel est votre rôle concrètement auprès de ces jeunes ?

Les gens avec lesquels on travaille n’ont pas ou peu de tissu relationnel personnel. Il y a 3 éléments très importants à leur apporter pour les aider à réussir : un réseau, des conseils et de la confiance. Notre rôle, c’est de leur donner des fonds propres, sans qu’ils aient besoin de faire la quête. On leur dit aussi que leur projet, c’est une bonne idée. C’est ça qui leur donne confiance dans leur projet.
Un autre élément important, c’est qu’on leur donne la clé d’entrée dans le monde financier. Notre taux d’échec à 3 ans est de 10% à peine, alors que le taux d’échec classique est autour de 45%. Un banquier qui reçoit quelqu’un venant du réseau Initiative Île-de-France sait qu’il a beaucoup plus de chance qu’il soit pérenne qu’un autre. Les jeunes vont donc être mieux reçus.
Les 1 500 entreprises qu’on aide chaque année ont toutes eu un prêt bancaire. Aucun dossier que nous avons considéré comme viable ne s’est vu refuser une source de financement.

Comment intervient la profession de l’expertise comptable dans cette organisation ?

Dans nos comités d’agrément, nous devons pouvoir déterminer rapidement si un projet est viable ou pas, et s’il est judicieux de le soutenir. Il faut donc avoir, autour de la table, des compétences suffisamment variées, pour couvrir le champ complet de l’opération. La présence d’un expert-comptable, d’un avocat, de chefs d’entreprise, de financiers, de membres de chambre de commerce, de membres de chambre des métiers, traduit notre capacité à avoir une diversité de regards afin de prendre la bonne décision. La présence des experts-comptables est indispensable pour évaluer que le montage financier mais aussi la stratégie du porteur de projet tient la route.

Aujourd’hui, vous allez même plus loin avec notre profession, en signant avec nous un véritable partenariat. Pourquoi ?

Signer un partenariat avec le CROEC, c’est mettre en place une relation avec tous les experts-comptables, pas uniquement les grands cabinets, les moyens ou les plus petites structures. C’est la globalité de la profession qui nous intéresse. Lorsque l’Ordre affirme qu’il nous soutient, c’est celui qui représente tout le monde, tout en mettant en avant le savoir-faire de la profession de l’expertise comptable. Pour nous, c’est une profession très importante, parce que la plupart de nos créateurs demande à avoir un partenariat avec un cabinet d’expertise comptable au moment où il crée leur entreprise.

Qu’attendez-vous de ce partenariat à l’avenir ?

Je voudrais que dans le réseau des experts-comptables se diffuse l’idée que le réseau Initiative Île-de-France est une aide au financement de leur business. De notre côté, nous allons déjà au-devant de l’expert-comptable. Ce que nous voulons désormais, c’est que les professionnels adoptent le réflexe inverse et se disent «J’ai en face de moi une personne qui a envie de créer son entreprise, je le conserve dans ma clientèle, mais je lui conseille d’aller voir le réseau Initiative Île-de-France, en cas de besoin de financement.» Les experts-comptables ont tout intérêt à avoir des relations avec Initiative Île-de-France parce qu’on est une source de clients. Et même, au travers du réseau, c’est une opportunité pour eux de s’inscrire dans le développement économique de notre territoire, aux côtés de tous les autres acteurs.

Dans ce cadre, nous portons ensemble le projet HubFi, qui sera lancé prochainement. L’objectif de ce site Internet est de présenter aux chefs d’entreprises tous les financements possibles, dont ceux d’Initiative Îlede-France.

Tout à fait. L’objectif de ce site est d’accompagner les entreprises dans la durée. Le prêt d’honneur que nous proposons par exemple intervient au moment de la première étape, en phase de création, mais il y a de multiples phases dans la vie d’une entreprise : phase de croissance, phase d’innovation ou de transmission… C’est important que les experts-comptables puissent conseiller leurs clients tout au long de la vie de leur entreprise.

Plus globalement, que pensez-vous de la période actuelle, en terme de dynamisme économique ?

On est dans une période exceptionnelle. On a un taux de création d’entreprises qui n’a jamais été aussi fort. Il y a 10 ans, lorsque l’on faisait une conférence sur l’entrepreneuriat dans un amphi de 500 personnes, il y avait à peine une cinquantaine de personnes. Aujourd’hui pour cette même conférence, l’amphi est plein à craquer et il y a des personnes dehors qui attendent pour rentrer !

Vous avez donc un regard très positif sur l’avenir !

Complètement, la France bouge en profondeur. Je pense en effet qu’il faut accompagner et renforcer le dynamisme économique sous-jacent pour inverser la courbe du chômage. On a une partie immergée de l’iceberg, qui est formidable. Il faudrait la libérer ! Pour cela, il faut travailler sur la confiance.

La confiance justement est le thème central de nos Universités d’été. Notre réflexion est de dire que le foisonnement de réglementation est l’expression d’un manque de confiance de l’État vis-à-vis des acteurs. Vous êtes d’accord avec ça ?

Tout à fait, actuellement on a une capacité à générer une déstabilisation intellectuelle considérable ! C’est-à-dire qu’on revient en permanence sur les règles fiscales. On considère qu’un créateur d’entreprise qui gagne de l’argent est un outil de taxe plutôt qu’un outil de développement économique. Or la première base de la confiance, c’est la stabilité.
Pendant des dizaines d’années, l’emploi était tiré par les grands groupes. Aujourd’hui, ils n’embauchent plus, ils ne régressent pas mais ils font la même chose avec moins de personnes et de plus en plus qualifiées. Or, toutes les PME, les TPE qui se créent, embauchent toutes sortes de profil. Donc tant qu’on considérera que c’est par des actions dans les grands groupes qu’on résoudra le problème du chômage, on perdra du temps. Il faut avoir confiance dans l’émergence de nouvelles entreprises et se préoccuper davantage du premier salarié d’une entreprise unipersonnelle ou du douzième salarié d’une grosse TPE pour avoir un réel impact sur l’économie.

A propos

francilien-93Cet article provient du numéro 93 du Francilien, la revue des experts-comptables région Paris Ile-de-France. 

 






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