Expertise comptable et SCIC sont-elles compatibles ?

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castaings-lebrasIl y a les cabinets traditionnels qui décident de se lancer sur un marché de niche, ceux qui développent de nouvelles missions, ceux qui expérimentent d’autres approches de management, ceux qui choisissent un statut atypique. Dans cette nouvelle rubrique, nous irons à la rencontre de confrères qui ont fait le choix de stratégies innovantes. Objectif : vous inspirer, vous donner envie, vous aussi, de réinventer notre profession. Rencontre avec la première SCIC d'expertise, juridique et financière, FINACOOP.

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FINACOOP est la première SCIC d’expertise comptable juridique et financière, dédiée à l’Economie Sociale et Solidaire (ESS) et à toute activité d’utilité sociale, culturelle et environnementale. Pouvez-vous nous expliquer les spécificités de ce statut ? Concrètement, comment êtes-vous organisé ?

La Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) est la dernière née (en 2002) du droit coopératif français. Tournée vers la recherche d’un intérêt collectif d’utilité sociale, elle se caractérise par son ultisociétariat (3 catégories de sociétaires minimum) avec la possibilité de collèges de vote. Le système de collège de vote apporte une souplesse en permettant de pondérer les droits de vote par collège tout en respectant le principe 1 personne (physique ou morale) = 1 voix pour toutes les prises de décisions d’AG. Chez FINACOOP, nous avons organisé les catégories et collèges de manière à respecter la déontologie du métier d’expert.e-comptable et ainsi garantir l’indépendance de ces dernier.e.s.

De fait, FINACOOP distingue :

  • Salarié.e.s inscrit.e.s à l’Ordre des EC (50%)
  • Salarié.e.s non inscrit.e.s à l’Ordre (10%)
  • Bénéficiaires (clientèle, fournisseurs) (10%)
  • Partenaires inscrits à l’Ordre (20%)
  • Partenaires non-inscrits à l’Ordre (10%)

La création de votre cabinet n’a pas été simple, vous avez dû vous battre pour l’imposer. Pourquoi ce statut était si important pour vous ? Il était indispensable selon vous pour vous adresser à ses entreprises de l’ESS ?

La création de FINACOOP est l’aboutissement de 10 ans d’engagement dans l’ESS par ses fondateur/rices. Derrière ce statut, réside l’idée de créer un Commun par et pour les acteur/rices de l’ESS, mouvement trop longtemps ignoré par les professionnel.les du conseil. Nous portons la volonté d'exercer notre métier dans un cadre démocratique en vue d’une transformation sociale. Aussi, la question de la propriété ne peut être anodine et l’implication de l’ensemble des parties prenantes est nécessaire à l’émergence d’une nouvelle génération d’entreprises d’utilité sociale, culturelle et environnementale. L’équation valeurs-statuts-pratiques fait pour nous sens. Nous pensons que notre efficacité professionnelle ne peut être déconnectée de notre mode relationnel ; et cela ne peut se réduire à une formation en relation commerciale et une enquête de satisfaction mais implique bien d’ouvrir des espaces d’échange et d’actions collectives, sur un pied d’égalité.
Cette exigence entrepreneuriale est intrinsèque à la démarche de l’ESS, nous avons à coeur d’être nous même porteurs et porteuses de ce mode d’entreprendre en soit. Nous pensons également que cette expérience propre ne peut qu’enrichir notre capacité à accompagner efficacement les entreprises de l’ESS.

Quel est votre chiffre d’affaires aujourd’hui ?

Nous avons atteint 165 000€ en 2016 avec 150 clients après quelques mois d’activité, et une part importante de conseil (35%). Nous visons un doublement chaque année.

Tous vos clients sont-ils des SCIC ?

Non. Bien que convaincu.es par le bien-fondé social et économique du statut SCIC, nous souhaitons accompagner la biodiversité de l’ESS qui depuis la Loi Hamon de 2014 s’est ouverte aux sociétés commerciales (SA, SAS, SARL) en plus des formes historiques (associations, coopératives, fondations, mutuelles).

Quel est le montant moyen des honoraires ?

70€ HT/h, ce taux est unique et voté en AG! La simplicité, la transparence, et l’accessibilité de nos services sont pour nous une priorité. Plus largement, cela pose la question de l’équité des ressources avec notamment le sujet délicat des écarts de rémunération que nous souhaitons limiter (de 1 à 2) et la volonté d’encadrer les rémunérations financières (mise en réserve majoritaire des bénéfices).

Ces clients sont-ils rentables ?

Nous avons peu de statistiques pour l’ESS et trop peu de recul à FINACOOP pour apprécier la résilience de notre clientèle. Les seules études françaises et internationales de pérennité concernent les coopératives et démontrent une résilience bien plus élevée que les statuts classiques (au moins 10 points en plus). Nous constatons que les structures à la fois petites et dépendantes aux financements publics demeurent fragiles.

Quelles actions commerciales mettez-vous en place pour vous faire connaitre ?

Notre stratégie de communication n’est pas commerciale. Nous n’en avons pas besoin puisque nous bénéficions d’un taux de prescription très élevé. Nous souhaitons penser nos actions de communication là aussi différemment. Notre stratégie porte sur des objectifs plus ‘corporate’ et sociaux : devenir actrice de référence du conseil pour l’ESS, amplifier notre démarche d’éducation populaire, et recruter des talents engagés vers des objectifs sociétaux. Ainsi, nous préférons nous inscrire dans une démarche de mutualisation des connaissances et de plaidoyer sur nos métiers et sur l’ESS et les Communs avec comme canaux l’humain, une forte présence web et des publications dans des revues spécialisées. Nous pensons davantage en terme de partenariats avec l’ensemble de nos parties prenantes que nous souhaitons durables et là aussi porteurs d’innovations sociales. Le choix audacieux a été d’embaucher dès le lancement une personne en charge de gérer la communauté de FINACOOP, polyvalente sur la communication, les partenariats, le management coopératif, et la GHR (Gestion Humaine des Ressources).

Quelles perspectives de développement pour l’avenir ?

Dès la fin de la saison comptable, nous souhaitons intégrer plusieurs expert.e-comptables diplômé.es ou juniors confirmé.es, d’autres collaborateur/rices à travers une stratégie d’essaimage en Région. Nous souhaitons à brève échéance être en capacité de répondre à des sollicitations non satisfaites de la clientèle actuelle et entrante. Cette politique de développement ambitieuse nous pousse à poursuivre notre développement sur de nouveaux métiers du conseil (montages juridiques, révision coopérative, accompagnement transition numérique, CAC, ...) et sera possible via une levée de fonds en cours auprès d’actrices de la finance solidaire. Parallèlement à cela, nous allons renforcer notre vie coopérative en commençant par souder notre organisation interne via des formations aux méthodes d'intelligence collective.

Un conseil pour un confrère qui voudrait se lancer ?

Confrère, Consoeur, ne craignez pas de changer de paradigme ! Réinventez votre métier, il est beau, utile et émancipateur.

A propos

francilien95Cet article provient du numéro 95 du Francilien, la revue des experts-comptables région Paris Ile-de-France. 

 






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