Jean-Luc Flabeau : « Chez ECF, nous ferons tout pour défendre l’audit PME et lui trouver une nouvelle forme »

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Jean-Luc-Flabeau-ECFA la veille du Forum CAC proposé par le syndicat ECF de la profession comptable, nous avons rencontré son Président Jean-Luc Flabeau qui a accepté de répondre aux questions du Monde du Chiffre, notamment sur le point sensible des seuils d’audit légal.

Le syndicat ECF organise le 6 février 2018 le Forum CAC avec comme question notamment : « Peut-on encore sauver nos mandats CAC PME ? » Il s’agit bien entendu du problème des seuils d’audit légal dans les petites et moyennes entreprises, sur lequel ECF a récemment réagi. Avez-vous un message à transmettre à ce sujet ?

La menace de relèvement des seuils d’audit dans les PME n’est pas nouvelle. Elle existe depuis des années. Mais, en ce début d’année 2018, l’actualité est devenue brûlante.

A la demande du gouvernement, une mission IGF est chargée d’évaluer la pertinence de la présence des commissaires aux comptes dans les PME. Une délégation ECF a été reçue par la commission IGF le 17 janvier et je peux vous témoigner que l’approche de ses membres est très pragmatique, avec un travail d’analyse du rapport pertinence-coût de nos missions. D’ici quelques jours, notre syndicat communiquera des propositions à l’IGF, avec comme points convergents une réelle adaptabilité et une plus forte utilité de nos missions.

Cette forte interrogation de nos mandats PME par le nouveau pouvoir politique inquiète à juste titre les professionnels. Mais si nous sommes pertinents dans nos propositions, cette menace peut se transformer en opportunité pour enfin adapter réellement nos missions à la taille et aux besoins des entreprises. Et ainsi faire reculer tout le formalisme inutile de nos travaux qui, au final, n’apportent rien à personne. Notre Forum CAC de cette année traitera bien évidemment de ce thème avec des témoignages de pratiques intéressantes d’audit PME dans d’autres pays, qui ont su prendre un chemin de traverse intéressant. Nous en profiterons pour communiquer à la profession et aux pouvoirs publics nos propositions.

Chez ECF, nous ferons tout pour défendre l’audit PME et lui trouver une nouvelle forme. L’enjeu est tout simplement la poursuite ou non de l’activité d’audit par nos cabinets libéraux, avec tous les positionnements stratégiques que cela peut entraîner dans la profession du chiffre.

Vous avez pris position par ailleurs contre la création de la F3P, une entité instituée notamment par les Big Four et dédiée à une approche pluridisciplinaire dans les métiers du chiffre, du droit et du conseil. Le regroupement et la pluridisciplinarité sont pourtant des pistes a priori intéressantes pour les professionnels du chiffre. Quel est votre point de vue à cet égard ?

La création de la F3P, ce club fermé des 7 grands réseaux, interpelle beaucoup au sein de la profession et je suis surpris que seul notre syndicat ait pris position sur ce sujet. Bien évidemment que l’approche pluridisciplinaire est importante pour les prochaines années mais cela ne peut pas être du seul monopole de ces grands réseaux. Et je suis extrêmement préoccupé par l’intention, à peine masquée, de ces 7 cabinets de peser sur les évolutions réglementaires ou institutionnelles.

Les grands réseaux ont toujours été présents à la CNCC, notamment avec le département EIP. Depuis février 2017, ils ont fait une entrée remarquée au CSO. Mais cela ne semble pas leur suffire…

Pour répondre à votre question de façon très directe, je traduis la création de la F3P comme une menace sur l’unité de la profession et je ne crois pas un seul instant que seul l’intérêt général soit recherché. La vigilance doit donc être de mise et c’est ce que nous ferons chez ECF.

Quel regard portez-vous sur l’action du Conseil supérieur et de la CNCC depuis 2016 ?

Un regard plutôt critique. Le projet majeur de la mandature actuelle au CSO est la reconnaissance de spécialisations dans nos cabinets. Le sujet est tout à fait louable mais c’est son traitement qui l’est moins. Est-ce le rôle de l’institution de gérer les spécialisations de ses membres ? Pour ECF, la réponse est non. Nous ne souhaitons pas que ce soit l’institution qui sélectionne les spécialités, avec des dérives que nous pouvons dès maintenant imaginer. Laissons la liberté d’entreprendre aux cabinets et la reconnaissance ou non par leurs clients. En revanche, le CSO semble être très éloigné des préoccupations quotidiennes de nos cabinets, dont la difficulté majeure est le recrutement.

La CNCC, après cinq ans de travaux REA, est focalisée sur son pôle PE. L’institution tente de trouver légitimement une solution à la problématique des seuils PE mais elle manque d’agilité avec des positions conceptuelles de l’audit. J’ose espérer que cela puisse évoluer favorablement dans les toutes prochaines semaines. C’est aussi la raison pour laquelle nous avons pris la responsabilité de faire nos propres propositions aux pouvoirs publics.

En revanche, le chantier sur lequel la CNCC est très en retard est l’approche d’audit dans cette nouvelle économie numérique qui est en train de se mettre en place. Nous savons bien que nos missions d’audit vont être transformées dans les toutes prochaines années et il faut absolument que l’institution aide les confrères dans cette mutation du métier.

Pour finir, le candidat ECF pour les prochaines élections au Conseil supérieur est désormais connu : il s'agit de Lionel Canesi. Avez-vous un message à transmettre ?

L’autre grand chantier de l’actuelle mandature au CSO était de préparer au mieux la réforme territoriale pour une élection 2018 nouvelles régions. C’était aussi la raison d’un mandat exceptionnellement écourté à deux ans. Mais il semble que ce chantier ne soit pas bien suivi puisqu’à l’heure où je vous parle, nous sommes dans l’incertitude totale sur la date des élections.

Quoi qu’il en soit, ECF a en effet désigné son candidat Lionel Canesi pour être tête de liste au CSO pour les élections 2018. Et nous continuons à défendre que les élections doivent se dérouler en 2018 avec le périmètre des nouvelles régions. C’est conforme à ce qui avait été voté unanimement au CSO et nous ne pouvons accepter que la règle soit maintenant changée.

Propos recueillis par Hugues Robert

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