Michel Tudel, Président de la CNECJ : « Le rôle de l’expert-comptable de justice est d’éclairer le juge sur des points techniques en matière financière »

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michel-tudel-expert-comptableLe jeudi 5 avril 2018, la Compagnie nationale des experts-comptables de justice (CNECJ) a présenté sa collection de brochures techniques à la Bibliothèque nationale de France à Paris. Nous avons rencontré à cette occasion le Président de la CNECJ Michel Tudel qui a accepté de répondre aux questions du Monde du Chiffre.

Pouvez-vous nous présenter la fonction d’expert-comptable de justice ?

Il y a en France 19 000 experts-comptables et parmi eux, se trouvent 600 professionnels inscrits à la discrétion des magistrats sur les listes de cour d’appel comme experts-comptables de justice.

C’est un corps professionnel organisé en sections régionales par cour d’appel avec en outre, une Compagnie nationale qui regroupe toutes les sections et dont je suis le Président.

Le rôle de l’expert-comptable de justice est d’éclairer le juge sur des points techniques, lorsqu’il est saisi d’affaires supposant qu’il formule une interprétation ou un avis avant de trancher. Les experts-comptables de justice œuvrent essentiellement en matière financière, par exemple dans le cadre d’un divorce, lorsqu’il faut évaluer des parts sociales d’une société à partager, ou bien une entreprise, des immeubles, etc.

Vous êtes Président de la CNECJ. Quel est le rôle de cette institution ?

Cette institution propose des formations pour ses membres mais également pour les magistrats par cour d’appel sur la matière financière.

Elle émet également des brochures techniques – c’est l’objet de cette journée du 5 avril – qui formulent les bonnes pratiques de la profession, la doctrine professionnelle.

La compagnie veille enfin à la discipline, à l’éthique et à la déontologie de ses membres.

La CNECJ propose aujourd’hui deux brochures techniques pour la profession ainsi que pour les professionnels du droit, avocats et magistrats. De quoi s’agit-il ? Quel est l’objectif poursuivi ?

La première brochure concerne les évaluations après décès. Il arrive effectivement que nous soyons appelés pour évaluer une entreprise par exemple, à la suite d’un décès, dans le cadre d’une succession. Cette brochure présente toute la technique à retenir afin de procéder à l’évaluation dans ce contexte. La doctrine précise notamment que les biens doivent être évalués à la date du décès, même si l’expert intervient des années après.

La seconde brochure expose les techniques pour évaluer les préjudices économiques de toute nature. Par exemple, je mène actuellement une expertise à la suite d’une grève de longue durée qui a privé une entreprise de ses moyens d’exploitation. On me demande comment il est possible d’indemniser cette structure. Il faut alors évaluer les coûts, le bénéfice perdu, etc.

Ces opérations sont très techniques. D’où l’importance pour nous de présenter une certaine pratique afin d’amener une forme d’homogénéité dans les rapports qui sont présentés aux magistrats.

Pour finir, avez-vous un message à transmettre aux professionnels du chiffre qui seraient tentés de rejoindre les rangs de l’expertise comptable de justice ?

Venez nombreux ! Car avec l’évolution du droit vers le droit anglo-saxon, il y aura de plus en plus besoin d’experts. Cette évolution a du reste été consacrée par la réforme du droit des obligations en 2016, laquelle confère davantage de place au juge dans les rapports contractuels, juge qui aura besoin d’être éclairé sur les aspects financiers par des experts-comptables de justice, en nombre suffisant et bien formés.

Je rajouterai que les experts-comptables de justice œuvre également dans les modes alternatifs de règlement des conflits, c’est-à-dire les médiations, les conciliations, etc. C’est donc une activité pour laquelle il y aura de plus en plus de demandes.

Propos recueillis par Hugues Robert

Les Annuaires du Monde du Chiffre