La valorisation complexe des entreprises des métiers d'art

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Les entreprises des métiers d’art comportent de nombreuses spécificités ayant des impacts significatifs sur la valorisation. Il est donc important de connaître le secteur d’activité, de se poser les bonnes questions et de choisir des méthodes d’évaluation appropriées.

Selon l’Institut national des métiers d’art, les métiers d’art sont représentés par plus de 280 métiers dans seize domaines d’activité (ameublement, jardin, bijouterie, cuir, facture instrumentale, mode...). Bien que ces arts et métiers soient souvent séculaires, leur reconnaissance légale n’est intervenue que le 16 avril 2014 par la loi relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises.

Ces entreprises peuvent faire l’objet d’une évaluation dans des projets de transmission, cession, apport d’activité ou recherche de capitaux. L’évaluateur devra clairement identifier les motivations de la mission pour traiter correctement le sort des différents actifs.

Pourquoi est-ce une valorisation complexe ?

Les entreprises des métiers d’art ont des organisations très diverses. Elles sont les seules présentes sur leur marché. Il n’y a pas d’entreprises comparables, leur profession reposant justement sur un savoir-faire unique. Chaque entité doit donc être analysée individuellement et la prise de connaissance approfondie est une étape indispensable à appréhender avec soin et notamment sur les aspects suivants.

1) Le savoir-faire est plus ou moins attaché à l’artiste. Le sculpteur par exemple est la clé de voûte de son entreprise. Une société de maroquinerie sera moins dépendante de son dirigeant avec un savoir-faire partagé par les salariés. Dans le projet post-évaluation, le dirigeant reste-t-il ? A défaut, une transmission du savoir-faire est-elle prévue ? Dans la négative, l’entreprise vaut-elle autre chose que sa valeur liquidative ?

2) L’artisan conçoit ses propres techniques et dispose d’un droit de propriété intellectuelle sur ses créations ou sur certaines techniques. Des brevets peuvent être déposés en complément. Qui est détenteur des droits ou des brevets ? Quelle est la contractualisation de leur utilisation dans le projet ?

3) La réalisation des commandes des clients peut prendre une heure ou un an. Dans le projet, que deviennent les stocks des produits finis et des encours ? Quelle transmission des contrats en cours ?

4) L’accès aux matières premières de haute qualité est un enjeu pour ces professions. Le réseau de fournisseurs est délicat à constituer. Les fournisseurs sont-ils très spécifiques ? L’approvisionnement des matières premières est-il difficile ?

5) Toutes les pièces sont uniques et le travail est manuel. Il n’y a pas de standardisation de la production. L’outillage est parfois tellement ancien qu’il n’est plus aujourd’hui possible de le construire ; il peut aussi être une élaboration authentique de l’artisan. Quelle est la rareté de l’outillage ?

L’évaluateur devra s’assurer une connaissance exhaustive des actifs et passifs de l’entreprise en garantissant une grande confidentialité des secrets de fabrication ainsi révélés. Grâce à ces travaux, il aura aussi décelé les risques juridiques inhérents au dépôt des brevets ou à la capacité de maintenir secret le savoir-faire. Ces risques seront traduits par des coefficients appliqués aux méthodes d’évaluation grâce à leur prise en compte dans le taux d’actualisation ou par une décote.

Quelles méthodes d’évaluation privilégier ?

Le diagnostic établi en amont permet l’identification des retraitements et corrections nécessaires au secteur d’activité et la détermination de méthodes d’évaluation.

Il sera judicieux d’opter pour la méthode patrimoniale pour les actifs matériels. Les autres actifs, souvent hors comptabilité mais à l’importance capitale, pourront être évalués par la méthode des flux de redevance, de la survaleur ou des coûts historiques.

Enfin, la méthode des Discounted Cash Flows sera utilement mise en place dans les entreprises d’art les plus développées et étant en mesure d’établir des données prévisionnelles fiables sur un horizon de trois à cinq ans, sous réserve que le projet nécessitant l’évaluation ne modifie pas significativement les conditions d’exploitation.

Les tests de sensibilité sur les hypothèses retenues permettront de conclure sur une fourchette de valeurs de l’entreprise d’art.

Ambre Cossutta, expert-comptable mémorialiste