« La valorisation d’entreprise est une étape cruciale lors du processus de transmission »

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Une tribune d'Olivier Meier, Professeur des Universités, et Thierry Lamarque, Président-Fondateur du cabinet Althéo.

Qu’entend-on par valorisation d’entreprise ? Quels sont les principaux enjeux et écueils à éviter ?

Olivier Meier : La valorisation d'entreprise est une étape cruciale lors du processus de transmission d'entreprise. Elle permet de déterminer le juste prix de la société et peut avoir un impact significatif sur les résultats de la transaction. La valorisation est en effet au cœur des négociations entre le cédant et le repreneur, et des décisions à prendre dans le contexte de la transmission d'entreprise. En établissant une valorisation adéquate, les dirigeants peuvent minimiser les risques de désaccords ou de litiges entre les parties prenantes et assurer une transition en douceur et réussie pour l'ensemble des parties concernées.

Thierry Lamarque : Lors de la réalisation d'une valorisation, il existe plusieurs écueils que les dirigeants doivent éviter : sous-estimer la valeur de l'entreprise, surestimer la valeur de l'entreprise (ce qui peut dissuader des acheteurs potentiels et générer des attentes irréalistes concernant le potentiel de retour sur investissement), mais aussi négliger les facteurs qualitatifs. La valorisation ne doit pas seulement prendre en compte les aspects financiers, mais également considérer les actifs incorporels, la réputation, la qualité du management et la dynamique du marché.

Quelles sont les principales méthodes utilisées en matière d’évaluation d’entreprise ?

Olivier Meier : Il existe plusieurs méthodes pour évaluer la valeur d'une entreprise, et le choix de la méthode adéquate est essentiel pour garantir une valorisation précise et équilibrée. Une première méthode relativement connue concerne les approches patrimoniales. Ces méthodes de valorisation s’appuient sur l’historique de l’entreprise, et prennent pour référence les éléments financiers issus du bilan de la société. Elles consistent en particulier à réévaluer l’actif et le passif pour en déterminer sa valeur. Quoiqu'anciennes, ces méthodes, telles que l’actif net corrigé ou la méthode du goodwill, demeurent très utilisées. C’est notamment le cas pour des entreprises à faible rentabilité et à forte intensité capitalistique. Dans ce type de configuration, la société vaut alors ce qu’elle possède.

Thierry Lamarque : On peut également envisager d’autres méthodes basées sur les rendements de la société. A l’inverse des méthodes précédentes, ces formules très utilisées par les repreneurs d’entreprises et les financiers s’intéressent aux performances financières récentes de la société. Elles appliquent des multiples boursiers issus de transactions comparables aux agrégats financiers du compte de résultat (CA, marge brute, EBE, Rex, Rn, CAF...). Relativement simples d’utilisation, ces méthodes, telles que le PER (Price Earning Ratio, basé sur un multiple du résultat net) ou les multiples d’EBITDA ou d’EBIT (EBE et Rex en comptabilité française) correspondent parfaitement à la logique des montages à effet de levier (LBO). A la différence des approches précédentes, l’entreprise vaut alors ce que le marché est prêt à payer.

Existe-t-il des méthodes de valorisation innovantes qui mettent l'accent sur les perspectives de croissance et le potentiel de développement futur de l'entreprise ?

Olivier Meier : On peut prendre le cas des méthodes basées sur les flux futurs de l’entreprise. Ce type de méthode est plus complexe à utiliser dans la mesure où il porte sur l’avenir de la société. Ces formules de valorisation prennent pour référence le compte de résultat prévisionnel à horizon de cinq à sept ans, et permettent de valoriser l’entreprise par actualisation et sommation des flux de revenus futurs.

Thierry Lamarque : Peu utilisées dans l’univers de la PME, ces formules sont toutefois indispensables à la valorisation de sociétés sans historique (startups) ou en forte croissance. Dans ces cas-là, l’évaluateur n’aura d’autres choix que d’utiliser la méthode des Discounted Cash Flow (DCF). L’entreprise vaut alors ce qu’elle va rapporter à l’avenir. Même si elles sont plus complexes, il est donc important de les connaître et de les maîtriser.

Est-ce que cela vous semble pertinent de disposer de méthodes d’orientation plus qualitative ?

Olivier Meier : L’évaluateur doit compléter ces approches quantitatives par une analyse qualitative du secteur. Il s’agit ici de comprendre le contexte macro-économique, la progression de l'activité, les barrières à l'entrée et les éventuelles ruptures technologiques. Il convient aussi d’apprécier les spécificités de l’entreprise. Je pense aussi à son business model, à ses atouts et handicaps, à l'importance des relations interpersonnelles, à l'image de l'entreprise, à la culture mais aussi à une prime d'incomparabilité qui reflète la singularité de l'entreprise (propriété intellectuelle, qualité du réseau, leadership...).

Thierry Lamarque : Ce qu’il faut retenir ici, c’est qu’une évaluation rigoureuse et complète de l'entreprise doit intégrer plusieurs méthodes de valorisation et combiner les approches quantitatives et qualitatives. Cela permettra aux parties prenantes de disposer d'une base de discussion solide et objective, facilitant ainsi le processus de transmission d'entreprise. Les négociations pourront alors se dérouler plus efficacement, en tenant compte des facteurs matériels et immatériels de l'entreprise.