Les professionnels du chiffre au service de l’Économie Sociale et Solidaire

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Une tribune des experts-comptables et commissaires aux comptes Mathieu Castaings (Finacoop) et Valentin Dutote (ESS Expertise).

Le champ de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) est vaste. Il représente 2,3 millions de salariés, 5 000 créations d’entreprises chaque année et selon les estimations, jusqu’à 10 % du PIB, notre très (trop ?) cher agrégat économique national. 

Historiquement portée par des structures bien identifiées (associations, coopératives, fondations…), l’ESS est ouverte à l’ensemble des sociétés commerciales dites classiques (SA, SARL, SAS…) depuis la loi n° 2014-856 ou loi ESS. Cherchant à dépoussiérer l’image d’un « tiers-secteur », cette loi a souhaité dépasser une vision historique purement statutaire pour reconnaître l’ESS comme un mode d’entreprendre adapté à tous les secteurs d’activité et fondé sur trois piliers incontournables : l’utilité sociale, la lucrativité limitée et la gouvernance partagée.

Un objet social qui peut sembler antagoniste de prime abord

Difficile parfois pour une entreprise « classique », un conseil non sensibilisé ou toute partie prenante d’une manière générale, d’envisager qu’une organisation telle qu’une société commerciale, puisse aujourd’hui avoir un objet social qui dépasse celui de la seule lucrativité. Or c’est bien là tout l’objet des entrepreneurs sociaux, soucieux de bâtir un modèle socio-économique cohérent et adapté au service de l’intérêt collectif.

Les experts-comptables et commissaires aux comptes doivent être les premiers concernés par ces nouveaux modes d’entreprendre pour être en mesure d’accompagner ces structures aux attentes et problématiques spécifiques, permettre l’émergence d’initiatives dédiées à des objectifs sociaux, environnementaux et culturels et enfin, pour promouvoir dans la profession une nouvelle forme d’entrepreneuriat.

Des acteurs aux particularités marquées et aux besoins spécifiques : pourquoi et comment travailler avec eux en tant que professionnel du chiffre ?

Travailler avec les acteurs de l’ESS, qu’il s’agisse d’associations, de coopératives ou de sociétés commerciales, suppose tout d’abord une connaissance approfondie de leurs particularités.

Mode de gouvernance spécifique, répartition des résultats, écosystème partenarial, particularités comptables et fiscales, détermination de l’impact social, problématiques de financement… sont autant de domaines sur lesquels des connaissances spécifiques sont primordiales.

Une spécialisation ou la mise en place d’équipes dédiées peuvent être des débuts de réponses dans la stratégie d’un cabinet comptable souhaitant mettre ses compétences au service de ces acteurs. Mais le partage et la compréhension des valeurs liées à l’entrepreneuriat social doivent être selon nous le réel vecteur pour accompagner ces structures, au risque de ne pas être à la hauteur de leurs attentes.

L’intérêt pour la profession d’accompagner des projets à forte utilité sociale est multiple. Tout d’abord, cela pourrait permettre aux professionnels du chiffre d’élargir leur offre de services vers le conseil, la récente réforme liée au PACTE obligeant d’ailleurs certains confrères commissaires aux comptes à repenser leur stratégie.

Ensuite, en participant à l’émergence de projets locaux et globaux liés à l’ESS, l’empreinte locale et l’image de la profession seront accrues et améliorées. 

Pour finir, les experts-comptables et commissaires aux comptes sont des chefs d’entreprises « presque » comme les autres. Certains ont de plus en plus à cœur de donner du sens à leurs actions en participant à un mouvement collectif, vecteur de valeurs humanistes, écologiques et profondément portées sur notre environnement. Ainsi, le développement de modes de management et d’une recherche de sens et d’innovation, ou encore la mise en place de pratiques de mécénat (financier, en nature ou de compétences) au sein des cabinets (et pas uniquement leur promotion auprès des clients) sont des attentes fortes des nouvelles générations qui composent et composeront les cabinets de demain.

Mathieu Castaings et Valentin Dutote

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