Comment appliquer le nouvel accord national interprofessionnel sur le télétravail

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Le télétravail est un mode d'organisation du travail, plébiscité par une partie des salariés et en particulier depuis le premier confinement. Cet engouement peut susciter bien des interrogations et un flou sur ses conditions d'application. Lors d'un webinaire, Emmanuel Labrousse, Directeur du service Social-RH, et Aurélie Sacripanti, Responsable juridique en droit social au sein de Walter France, ont expliqué la mise en application des textes encadrant cette pratique.

Mesure incontournable en période de crise sanitaire, la pratique du télétravail, qu'elle soit subie ou choisie, fait couler beaucoup d'encre et questionne à tous les niveaux de l'entreprise tant elle est au cœur des problématiques individuelles et collectives qui se sont invitées dans les entreprises en 2020. Le nouvel accord national interprofessionnel (ANI) a fixé fin 2020 un cadre général au télétravail.

Le télétravail peut être mis en place librement après accord des deux parties

La notion de télétravail a tout d'abord été encadrée en 2012 par une loi qui a introduit des dispositions spécifiques dans le code du travail. Depuis, le cadre juridique du télétravail a été plusieurs fois modifié, par les ordonnances dites Macron du 22 septembre 2017 et plus récemment, avec la loi de ratification des ordonnances prises pour le renforcement du dialogue social en 2018.

Aujourd'hui, les dispositions relatives au télétravail sont régies par les articles L.1229-9 et suivants du code du travail qui désignent le télétravail comme étant « toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication ».

Le télétravail peut être mis en place librement, après accord des deux parties, employeur et salarié. Il n'est pas nécessaire de rédiger un accord, ni une charte sur ce sujet, même si en pratique, un écrit est fortement recommandé pour permettre de cadrer l'application du dispositif en entreprise.

Un essor de la pratique dans le contexte du Covid-19

Le contexte sanitaire récent en France a aussi rendu la pratique du télétravail encadrée par le biais de textes dont la valeur juridique fait débat, notamment le protocole sanitaire dont la dernière version pour les entreprises, en date du 13 novembre 2020, prévoit la généralisation du télétravail « quand c'est possible ».

De son côté, l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) a également mis à disposition des outils pour aider employeurs et salariés à définir une nouvelle organisation de travail : kit, carnet de bord, webinaire, etc.

Une volonté d'harmonisation dans le monde du travail

Au terme d'une négociation âpre, difficile et très attendue, un accord national interprofessionnel (ANI) a été signé le 26 novembre dernier par les partenaires salariés (CFDT, FO et CFTC) et syndicats patronaux, fixant un cadre général au télétravail, s'appuyant essentiellement sur un retour d'expérience de la crise sanitaire.

La philosophie de ce dispositif est d'être peu prescriptif et de mettre à disposition des employeurs un socle de bonnes pratiques permettant d'encadrer le télétravail.

L'ANI indique que le télétravail est une problématique qui doit être inscrite dans le dialogue social des entreprises ou des branches professionnelles, invitant à la négociation d'accords collectifs, ou à la mise en place de chartes de télétravail après consultation du comité social et économique. Ce même dialogue social devra d'ailleurs anticiper le cadre d'un télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou de force majeure pour qu'il puisse continuer à s'exercer dans de bonnes conditions.

De manière générale, le nouvel ANI rejoint l'ancien ANI de 2005 (mise en place, nombre de jours de télétravail, horaires...). Plusieurs points ont pu toutefois faire l'objet de crispations, notamment la présomption d'imputabilité à l'employeur en cas d'accident du travail. Cette présomption a finalement été conservée tout en reconnaissant l'impossibilité d'avoir une complète maîtrise du lieu dans lequel s'exerce le télétravail de ses salariés.

En termes de modifications, pas de révolution : plusieurs changements ont pu être apportés à la marge, rappelant surtout les principes de base : double volontariat, réversibilité, formalisme de la pratique, etc. L'accord prévoit par ailleurs la mise en place de mesures préventives en matière de santé et de sécurité en télétravail.

Enfin, le texte se prononce en demi-teinte sur la question des frais professionnels : s'il rappelle l'obligation de l'employeur de prendre en charge les frais professionnels liés au télétravail « quelle que soit la situation de travail », il n'en précise pas la nature.

Une multitude de réalités et de nouveaux défis pour l'entreprise

A première vue, le télétravail semble surtout offrir des avantages : une grande souplesse entre les relations de travail, un gain de temps et de productivité du fait de l'absence de trajets. Toutefois, des limites ont pu être observées, tant du point de vue de l'employeur que de celui des collaborateurs.

En plus des problématiques psychologiques et relationnelles, le télétravail bouscule plus largement l'ordre établi dans l'entreprise. Il nécessite donc des adaptations constantes de l'employeur en matière de :

  • Gestion économique et financière de l'entreprise : investissement dans les nouvelles technologies informatiques et de communication, optimisation des espaces de travail...
  • Pilotage opérationnel de l'activité : choix du format des réunions, choix des outils, organisation de la communication, choix du mode de management...
  • Santé et sécurité du personnel : fourniture d'équipements et de matériels supplémentaires, vérification de la conformité électrique des logements, sensibilisation aux gestes et aux postures à adopter pour le travail sur écran, mise en œuvre du droit à la déconnexion...
  • Gestion des ressources humaines : accompagnement et formation des collaborateurs et des responsables d'équipe, suivi du temps de travail et de la charge de travail, respect de la frontière entre vie professionnelle et vie privée...

La pratique du télétravail soulève ainsi de nombreuses questions dans des domaines variés tels que la prise en charge des équipements, l'absence de locaux professionnels, la gestion des données personnelles, la place des représentants du personnel dans le dispositif.

Une adaptation permanente pour répondre à la vie réelle des entreprises

Dans ce domaine, la réglementation s'adapte à la pratique. Depuis le 6 janvier par exemple, un nouveau protocole acte que les salariés peuvent revenir travailler en présentiel un jour par semaine au maximum, s'ils en font la demande et après accord de l'employeur ; le 100 % télétravail demeurant toutefois la règle.

Nul doute que les contraintes économiques conduiront le gouvernement à faire évoluer à nouveau la réglementation... A cette heure, le gouvernement appelle employeurs et salariés à se « remobiliser » face au relâchement et à renforcer le télétravail. Il a d'ailleurs été confirmé que les contrôles allaient s'intensifier. Une nouvelle concertation avec les partenaires sociaux s'est ouverte le 1er février.

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